Une première partie de l’exposition qui se déroule dans la salle des Fêtes de Sagy jusqu’au 11 novembre 2014, est à l’initiative de l’Office National des Forêts (ONF) en partenariat avec le Conseil régional du Val d’Oise : « Le camp retranché de Paris, la forêt mobilisée dans le Val d’Oise ». http://www.onf.fr/ile-de-france_nord_ouest/++oid++47f4/@@display_event.html
On soulignera la présentation de l’organisation de la fortification en forêt de Montmorency à partir de documents d’archives, de prospections pédestres et aériennes par procédé laser LIDAR. Cette méthode ne doit pas être confondue avec la photographie aérienne archéologique « classique » qui révèle la présence de vestiges enfouis dans des conditions optimales de saison et d’éclairage : modification de niveaux, de couleur du sol ou de développement des cultures.
Une seconde partie de cette exposition est organisée à partir des collections du Petit Journal de Sagy et continuera à être visible du 13 novembre 2014 au 27 février 2015 au Musée de la Moisson.
Elle illustre le quotidien des soldats qui sont venus construire les tranchées en novembre 1914, de manière plus intimiste, à partir de la correspondance qu’ils entretenaient avec familles et amis.
Pour exemple :
Texte d’une première carte postale visible à l’exposition (ou page 60 du livre « 1914-1918 Dans la région de Pontoise et du Vexin » de Guy et Serge Paris) :
« Boisemont le 13 novembre 1914
Mon cher père, nous étions très bien à Boisemont à 30 km au nord ouest de Paris ; on nous déménage demain pour Saillancourt, affreux trou à 3 km plus loin ; nous allons creuser des tranchées et fortifier cette région du camp de Paris ; il y a donc des chances pour que nous y restions quelques temps, peut-être un mois. Il fait très mauvais pluie et humidité mais pas froid. J’aimerais mieux du froid que cette humidité persistante, mais je vais très bien. Quels sont les projets de Georges ? T’embrasse pour nous trois.
Adressé à Mr Felix Michel rue clos René Montpellier (Hérault)
Texte d’une seconde carte datée un jour plus tard, le 14 novembre 1914, alors que les soldats viennent juste d’arriver à Saillancourt (cf. : http://laboutonnieredesaillancourt.over-blog.com/article-1913-2013-un-siecle-a-saillancourt-119753711.html) :
« Saillancourt le 14 novembre 1914
Nous sommes arrivés dans notre nouvelle résidence avec une pluie torrentielle mais enfin nous avons rencontré des gens très gentil qui nous offre leurs maison pour faire la cuisine et nous mangeons tous à la fortune du pot les enfants son très contents de manger avec les militaires Madeleine vous donneras ma nouvelles adresse ici il ont vu les allemands a 25 km et ils commence a avoir peur A bientôt »
Une troisième partie est consacrée à « L’âne en guerre et autres animaux soldats » empruntée à l’Atelier de restitution du patrimoine et de l’ethnologie du conseil général du Val d’Oise que l’on peut approfondir éventuellement en visitant le site des archives départementales : http://archives.valdoise.fr/galerie/galerie/images/3/n:116. Suite à cette exposition itinérante du Conseil générale qui a eu lieu du 14 juin au 31 août dans le département, un article a été précédemment rédigé sur ce blog : https://www.regard-sur-sagy.fr/1914-2014-un-anier-sur-les-traces-de-la-grande-guerre/
Enfin une série d’affiches, est exceptionnellement révélée au public au cours de cette exposition, grâce au prêt d’un collectionneur :
Pour conclure cet article sur la mémoire de la première guerre mondiale, il est intéressant de citer quelques extraits d’un texte écrit par Quentin Jagorel, étudiant à Sciences-Po et HEC, paru dans Le Monde le 22 septembre 2014 intitulé : “Les monuments aux morts, puissant outil mémoriel de la Grande Guerre”.
(….) Face à la tragédie de la Grande Guerre et aux millions de vies qu’elle fauche sur son passage, une demande mémorielle naît assez tôt en France,…. Pour y répondre, la loi du 27 avril 1916 prévoit la création d’un diplôme d’honneur des militaires morts pour la patrie, celle du 25 octobre 1919 lance le recensement des disparus de chaque commune de France. Le monument aux morts est avant tout une tentative de donner un « sens » à la mort de 1,3 million de jeunes hommes sur le champ de bataille. Tous ces morts doivent bien être tombés « pour » quelque chose… Et ce quelque chose, c’est la France.
…. Le statut de « mort pour la France » est introduit par la loi dès 1915. Son attribution a une grande importance pour la famille du disparu : elle ouvre droit aux pensions pour les veuves et au statut de pupilles de la nation pour les orphelins. (…).
Seules 12 communes françaises sur 36 000 ne comptent pas de victimes de la Grande Guerre…
(…). De 1918 à 1925, 30 000 monuments sont construits. Entre 1919 et 1922, on compte en moyenne trois inaugurations par jour. Les anciens combattants, qui représentent 90 % des hommes adultes dans les années 1920 supervisent les opérations. Par la loi du 25 octobre 1919, l’Etat propose des subventions, établies en fonction du nombre de morts dans la commune et des ressources de celle-ci…
Ces monuments (…) font, l’objet des plus vifs débats (*) dans les conseils municipaux.(…) Faut-il les dresser dans un lieu public,(…), ou dans un endroit, plus propice au recueillement ? Doit-on préférer l’espace de la religion (près de l’église du village) ou celui de la République (mairie, école) ? Dans la majorité des villages, heureusement, l’église et la mairie partagent la même place centrale (**) .…
ENJEU DU RAPPORT DE FORCE ENTRE LA RÉPUBLIQUE ET L’ÉGLISE.
L’implantation des monuments aux morts sur tout le territoire français intervient, rappelons-le, quinze ans à peine après la loi de séparation de l’Église et de l’État (1905). Le rapport de force entre la République et l’Église est omniprésent dans l’histoire mémorielle de la Grande Guerre. Par la loi de finances de 1920, l’État subventionne la construction des cénotaphes… à condition qu’ils ne se rattachent à aucun culte (l’État ne les reconnaît plus)….
L’histoire des monuments aux morts de la Grande Guerre, outils mémoriels d’une puissance sans précédent, nous apprend beaucoup sur la France de l’entre-deux-guerres, ses tensions politiques, ses contradictions territoriales, ses ambiguïtés mais aussi ses forces.
Elle nous rappelle surtout qu’hier comme aujourd’hui la communauté nationale est une construction politique. Et que la mémoire en est l’un des piliers fondamentaux.»
(*) Sagy en est un exemple si l’on se réfère à l’extrait du conseil municipal du 8 août 1922 publié dans le livre de Guy et Serge Paris « 1914-1918, Dans la région de Pontoise et du Vexin »
« Vu la protestation de l’ancien conseil municipal et d’un certain nombre de familles il y a lieu de maintenir l’emplacement choisi (place de l’église) …
De plus, certaines familles sont versatiles et si on se reporte au référendum du 26 mai 1921, on verra qu’elles se rendent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre selon les personnes avec lesquelles elles se trouvent.»
(**) comme à Longuesse
Cérémonie du souvenir, le mardi 11 novembre 2014 à Sagy.