Parce que la poésie est sans doute la meilleure réponse – sinon la seule – aux arguments qui m’ont été opposés en fin de réunion publique.
Lave ta main, qu’elle soit belle et nette,
Réveille-toi, apporte une serviette :
Une salade amassons, et faisons
Part à nos ans des fruits de la saison.
D’un vague pied, d’une vue écartée
De ça, de là, en cent lieux rejetée
Sur une rive, et dessus un fossé,
Dessus un champ en paresse laissé
Du laboureur, qui de lui-même apporte
Sans cultiver herbes de toute sorte,
Je m’en irai, solitaire, à l’écart.
Tu t’en iras, Jamyn, d’une autre part,
Chercher, soigneux, la boursette touffue,
La pâquerette à la feuille menue,
La pimprenelle heureuse pour le sang
Et pour la rate, et pour le mal de flanc.
Je cueillerai, compagne de la mousse,
La responsette à la racine douce
Et le bouton des nouveaux groseilliers
Qui le printemps annoncent les premiers.
Puis, en usant l’ingénieux Ovide
En ces beaux vers où d’amour il est guide,
Regagnerons le logis pas à pas.
Là, recoursant jusqu’au coude nos bras,
Nous laverons nos herbes à main pleine
Au cours sacré de ma belle fontaine
La blanchirons de sel en mainte part,
L’arroserons d’un vinaigre rosard,
L’engraisserons de l’huile de Provence :
L’huile qui vient aux oliviers de france
Rompt l’estomac et ne vaut du tout rien.
Voilà, Jamyn, voilà mon souv’rain bien …
Pierre de Ronsard (1524-1585)
(Premier Livre des Poèmes)